Cet ouvrage propose, à partir du cas-limite de La Comédie humaine, une réflexion sur ce que la littérature fait au monde de ses lecteurs. A la croisée du roman historique, du roman sentimental et de la " littérature panoramique ", le roman balzacien s`est progressivement confondu avec une politique de la représentation destinée à fournir des cadres collectifs aux expériences bouleversées de la période post-révolutionnaire. Cette communauté que l`œuvre de Balzac nous invite encore à rejoindre aujourd`hui ne se définit pas par des valeurs, mais par un rapport aux valeurs dont l`éthique se résume en trois mises en garde : "ne généralise pas ton point de vue sur autrui au delà du degré de généralité que tu accepterais de te voir toi-même imposé " ; "ne t`exclus pas de la communauté que tu décris, et à laquelle tu t`adresses " ; " ne prétends pas juger toi-même de ce que tu es ". Au fil d`une enquête centrée sur l`émergence de la notion de type romanesque, qui fonde le réalisme proprement dit et perdurera jusqu`à sa remise en cause par le Nouveau Roman, c`est toute l`effervescence de la première moitié du XIXe siècle français qui se donne à lire : réception enthousiaste de Walter Scott, transformations de l`historiographie romantique, légitimité littéraire incontestable du roman sentimental, misogynie d`une conception " virile " de l`acte créateur, - et, surtout, politisations différenciées de l`esthétique. Jérôme David est professeur à l`Université de Genève.