DES MONTS-JURA A VERSAILLES, LE PARCOURS D'UN APOLOGISTE DU XVIIIE SIECLE: L'ABBE NICOLAS-SYLVESTRE
Berger (1718-1790)
ALBERTAN-COPPOLA SYLVIANE
"Grand réfutateur" de Voltaire, Rousseau, d'Holbach et autres "Celses modernes", selon le mot de Diderot, l'abbé Bergier se distingue par ses qualités critiques et sa brillante carrière de la masse sans éclat des défenseurs du christianisme du siècle des Lumières. Ses adversaires eux-mêmes ont pu apprécier son esprit, à l'instar d'un Grimm qui l'estime "très supérieur aux gens de son métier". Ancien curé de la campagne franc-comtoise, N.-S. Bergier devient principal du Collège de Besançon et Académicien de province, avant d'être nommé chanoine à Notre-Dame de Paris et connaître la consécration à la Cour de Versailles, comme confesseur de Mesdames, les filles du Roi. Enfant chéri de l'Église, qui le couvre d'honneurs en récompense de ses écrits apologétiques, Bergier ose pourtant se dresser contre sa théorie du salut, qu'il juge trop restrictive. La fréquentation des incrédules et surtout la lecture serrée de leurs productions lui ont en effet permis de se rendre compte que l'exclusion des infidèles qui n'ont pas connu la Révélation et des enfants morts sans baptême constitue non seulement une injustice mais aussi un danger pour la foi. La correspondance qu'il échange à ce sujet avec l'abbé Trouillet est à cet égard révélatrice des tensions qui habitent l'Église du XVIIIe siècle. Pareil déchirement se retrouve dans les volumes de théologie que Bergier rédige, à la fin de sa vie, pour l'Encyclopédie méthodique, héritière thématique et expurgée de celle de Diderot et d'Alembert, où, de son propre aveu, il tâche d'introduire tout ce qu'il peut de sa conception extensive du salut, tirée des Pères de l'Église, sans heurter le censeur. Ce dictionnaire de théologie, régulièrement réédité jusqu'à la fin du XIXe siècle, témoigne de l'influence durable de ce chrétien des Lumières, qui s'étend jusqu'à Proudhon et Lamennais.