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CONTER LE CRIME. DROIT ET LITTÉRATURE SOUS LA CONTRE-RÉFORME.
Droit et littérature sous la Contre-Réforme: Les Histoires tragiques (1559-1644).
PECH THIERRY
Pourquoi raconter le crime? Faute de pouvoir se l'expliquer. Privée des ressources du surnaturel, la modernité en est réduite à mettre le mal en récit. Comme l'histoire, l'enquête criminelle combine la nécessité, le hasard et la liberté. Au rituel judiciaire ensuite d'en publier la preuve et d'en homologuer le récit. Mais quand la justice n'assume plus cette exigence de publicité, c'est à la littérature qu'il revient d'honorer la créance symbolique laissée vacante par l'institution. Au milieu du XVIe s., alors que la Renaissance jette ses derniers feux, des conteurs, souvent juristes de formation, s'emparent du crime. Associant le "scandale", le châtiment et les passions contradictoires qu'ils suscitent, la formule fait recette et leurs "Histoires tragiques" connaîtront un succès sans précédent sous la Contre-Réforme. Jusqu'alors assigné au divertissement, le genre de la nouvelle reçoit avec elles les honneurs du récit grave et sérieux. Mais, si elles accompagnent en apparence le durcissement du climat théologique et moral, elles -masquent parfois mal leurs résistances aux normes séculières. Souvent surestimé par la critique, l'ordre judiciaire est mis à rude épreuve par la fiction. Le débat qui n'est plus possible dans le prétoire se transporte peu à peu dans les livres, fécondant un nouvel espace public. Droit et -littérature entament ici un duel qui se tranchera un jour devant l'opinion.