Les historiens de la littérature ont souvent observé que l’écriture romanesque, après Chrétien de Troyes, tend à la composition de Hauts Livres et, pour la plupart d’entre eux, une telle évolution coïncide avec l’âge d’or du roman médiéval en prose. En affirmant que leurs récits sont de saints livres, dictés par un ange, inspirés par l’Esprit ou même écrits par le Christ, les auteurs de la trilogie rattachée à Robert de Boron, ceux du Perlesvaus, de l’Estoire et de la Queste del Saint Graal ont ainsi conféré à la fiction une valeur nouvelle, ils en ont fait un moyen d’édification et de véritable culture.
L’objet du livre consiste à s’interroger sur le statut de ces romans qui se veulent porteurs d’une vérité d’ordre religieux. S’inscrivant dans le plan de la poétique, il intéresse les rapports que les fictions arthuriennes entretiennent avec la façon dont les moines de Cîteaux et les maîtres de Saint-Victor enrichissent l’héritage patristique en approfondissant la doctrine chrétienne, en poursuivant l’élaboration de ses catégories et de ses concepts fondamentaux. Les ouvrages de ces auteurs, dans le prolongement de la pensée augustinienne et sous l’éclairage de l’orientale lumen, par leur profondeur doctrinale et par l’importance de leur outillage intellectuel, ont ainsi paru propres à fonder les principes d’une nouvelle lecture – théologique – de la fiction littéraire.
Dans le cadre du néo-platonisme chrétien de la fin du XIIe siècle, quatre grandes structures de pensée peuvent être dégagées : l’image et la ressemblance, les signes et la signification, le lien du visible et de l’invisible et, enfin, l’histoire du salut. Elles permettent d’appréhender les rapports de l’homme et de Dieu – rapports dont le Graal constitue le medium privilégié – sous des angles différents (l’analogie, la révélation, la vision, le temps). Elles permettent aussi de dessiner un parcours, conduisant de la création de l’homme à l’image et à la ressemblance de Dieu jusqu’au salut de l’être appelé à retourner à son Créateur. Un tel schéma, qui épouse les étapes du drame chrétien, correspond aussi, au XIIe siècle, aux premiers exposés systématiques du savoir théologique. Entre la source (l’exitus) et le retour (le reditus), le trajet lui-même (transitus) mérite une attention particulière car c’est avec lui que se confond la trame romanesque des Hauts Livres du Graal.
Si la mythopoïesis du Graal relève tout à la fois de l’invention artistique et de la spéculation théologique, il importe de ne pas s’attacher seulement à la fonction mythifiante des « hautes estoires profitables » qui voient le jour à l’extrême fin du XIIe siècle. Un logos est enveloppé dans ces mythes chrétiens, qu’il importe de faire apparaître, afin que brille, à côté de l’écriture du Graal, l’éclat d’une véritable pensée du Graal.
Ancien élève de l’École Normale Supérieure, Jean-René Valette enseigne à la Sorbonne les lettres françaises médiévales.
Date de disponibilité :
Collection | NOUVELLE BIBLIOTHEQUE DU MOYEN AGE |
Format | 15,5 X 23,5 CM |
No dans la collection | 0085 |
Nombre de volume | 1 |
Nombre de pages | 794 |
Type de reliure | BROCHÉ |
Date de publication | 30/08/2024 |
Lieu d'édition | PARIS |
EAN13 | 9782745363688 |
eEAN13 | 9782745363695 |